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Diaspora tunisienne : L’incertitude de demain


Le phénomène de la fuite des cerveaux a connu une explosion ces dernières années et a fait couler beaucoup d’encre.Selon une étude élaborée par l’Ocde, il a pris de l’ampleur dans les années 2000 en Tunisie et culminé après 2011.


Les tendances migratoires des Tunisiens sont présentées en détail dans le rapport «Talents à l’étranger, revue des émigrés tunisiens». En effet, selon ce dernier, les motifs du flux des émigrés dans les pays de l’Ocde durant les années 2017-2018 sont d’ordre familial, professionnel et humanitaire.
De même, l’étude conçue par la GIZ sur la diaspora tunisienne en Allemagne montre que 23.610 Tunisiens étaient enregistrés en 2011, dont 15.396 (68,6%) de sexe masculin et 7.033 (31,4%) de sexe féminin. Le motif majeur qui a conduit ces jeunes à quitter la Tunisie était le travail. En outre, l’étude indique que la migration professionnelle vers l’Allemagne est passée par deux vagues. La première au cours des années 60 où les émigrés peu qualifiés de sexe masculin sont partis en Allemagne dans le cadre d’un accord bilatéral pour travailler dans le secteur industriel.

La seconde vague, à partir des années 80, a touché essentiellement les travailleurs hautement qualifiés ayant la volonté d’étudier en Allemagne. La moitié des migrants de cette génération est restée en Allemagne où ils ont fait leur vie et leur carrière. Beaucoup ont des diplômes universitaires et occupent des postes de responsabilité.

Départ des «seniors»
La question du départ des jeunes médecins apparaît aujourd’hui comme problématique. Le conseil de l’Ordre des médecins évoque, en effet, le départ de 45% d’entre eux. Ce chiffre inquiète aussi bien les chercheurs que l’opinion publique.
Presque au même rythme que celui des médecins, le nombre d’ingénieurs et d’architectes installés à l’étranger a fortement progressé ces dernières années, passant de 972 en 2000 à 1.936 en 2010; ce nombre s’est multiplié depuis. L’Ordre des ingénieurs précise que le nombre des ingénieurs ayant quitté le pays depuis 2014 s’élève à 10.000.

En raison d’une forte demande à l’étranger, les ingénieurs spécialisés dans les filières informatiques et TIC sont ceux qui partent le plus vers la France, la destination la plus prisée. Pour les ingénieurs en génie civil ou mécanique, la destination prisée est plutôt l’Allemagne.
Pour ce qui est des enseignants, et selon Abdelkader Bouslama, membre du bureau national de Ijaba, le nombre des enseignants chercheurs migrants s’élève aujourd’hui à 4.000 dont 1.639 seulement ont obtenu leur contrat dans le cadre de la coopération technique.
Par ailleurs, la part des enseignants qui souhaitent s’expatrier s’élèverait selon l’Institut tunisien des études stratégiques (Ites) à 78%.

Motifs
Les faits déterminants de la migration, entre faits structurels et phénomènes conjoncturels post-transition, montrent que les changements politiques, économiques et sociaux n’ont fait qu’accélérer le rythme et le nombre de départs des compétences de manière exponentielle.
La conjoncture économique et sociale dégradée et la détérioration de l’environnement, du cadre de vie dans les villes constituent indéniablement des causes majeures de départ. Les compétences disent ne pas pouvoir se projeter dans le futur. Les seuls motifs économiques ne permettent pas d’expliquer le phénomène.

Ils ne disposent pas d’une visibilité suffisante, comme de nombreux Tunisiens, pour concevoir leur avenir en Tunisie. Ainsi, l’idée qu’il n’y a plus d’avenir en Tunisie est très répandue. «Le problème,c’est qu’il n’y a pas de contre -voix incitant les jeunes compétences à rester, à s’impliquer et à prendre leur place», précise-t-on dans une étude sur la migration professionnelle réalisée par le magazine L’économiste maghrébin et le Cabinet Advi pour la Fondation Fridedrich Naumann.

Selon la même source, l’environnement ne constitue plus un cadre attractif pour les jeunes compétences. La situation économique participe à la détérioration du contexte politique et social et la précarité politique et sociale contribue, de son côté, au ralentissement de l’économie. Ce cercle vicieux incite les compétences au départ.

Cet environnement ne fait qu’augmenter les craintes des professionnels hautement qualifiés qui ont la possibilité de s’installer ailleurs.
À l’évidence, «le pays traverse une situation précaire dont l’issue est incertaine. L’instabilité et le manque de visibilité politiques sont parmi les facteurs majeurs du départ des compétences». Pour eux, la recherche de l’acquisition d’une nationalité européenne constitue l’un des moyens de lutte contre le sentiment d’insécurité face à un avenir peu rassurant de la conjoncture que traverse le pays depuis quelques années.

D’après l’étude, le ralentissement économique, que connaît le pays depuis la révolution, a eu un impact négatif sur la plupart des catégories sociales et professionnelles. Les médecins, ingénieurs et universitaires ne semblent pas épargnés des conséquences de ce ralentissement. L’inflation endémique (supérieure à 8%) et la dépréciation du dinar tunisien ayant eu un effet direct sur le pouvoir d’achat de ces compétences qui aspirent à un confort que ne peuvent leur assurer les salaires offerts dans la fonction publique ou dans la plupart des entreprises privées.

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